Quelques
bailleurs de fonds demandent qu’une application pour financement soit
accompagnée d’une analyse des coûts et des bénéfices. D’autres ne le font pas
(plus).
L’analyse
des coûts et des bénéfices pose des questions difficiles pour les projets de
développement social, à commencer de leur nécessité et utilité. Les auteurs du
cours retiennent qu’il s’agit de concepts originaires du secteur économique
privé qui sont tout à fait inappropriés aux investissements sociaux prévus des
projets de développement intégré.
Les calculs en peuvent devenir techniquement extrêmement complexes.
Par
exemple, en 2001 la
Commission Européenne a fait à son temps un appel d’offres pour la
réalisation d’une méthode pour analyser les coûts et les bénéfices relatifs à
la qualité de l’air dans le cadre du programme «Air Pur pour l’Europe (CAFE);»
en prévoyant au Par. 5.1.4. de l’Annexe Technique que :
« Les valeurs monétaires clés doivent être examinées
dans trois domaines de base:
i.) les valeurs relatives à la mortalité et à la
morbidité dues à l'altération de la qualité de l'air;
ii.) les valeurs relatives aux changements dans les
écosystèmes; et
iii.) les valeurs relatives aux dommages matériels, y compris lorsqu'ils
touchent le patrimoine culturel. »
Runhaar H. et al, (Policy Analysis
for Sustainable Development – The Toolbox for the Environmental Scientist, International
Jouurnal of Sustainability in Higher Education, Vol.7 no.1, Emerald Publishing
Group, Bingley, 2006) écrivent :
“CBA [Analyse des coûts et des benefices] has several methodological as well
as pragmatic weaknesses. For one thing, it is very data intensive. Often, the
unavailability or inaccuracy of data will place a serious limitation on the
usefulness of the method (Rossi et al., 2004; Wrisberg
and Udo de Haes, 2002)[6].
By extension, when major costs or benefits are disregarded because they cannot
be measured or monetised (e.g. the extinction of a
particular animal or income redistributional
effects), the project may appear less or more efficient than it is (Rossi et
al., 2004). Therefore, such costs and benefits should be added to the list,
albeit in qualitative terms. Thirdly, CBA is not
appropriate when a programme is not yet beyond the
development state or when uncertainty remains about the effects (Rossi et al.,
2004). Fourthly, the treatment of indirect effects is subject to debate, since
it is often difficult to assess to what extent they are included in the
measurement of direct effects (which raises the risk of double-counting).
Finally, and more fundamentally, it is questioned whether consumer preferences
are a proper basis for the valuation of effects on nature (e.g. the extinction
of species) (van Wee, 2003; Fischer, 1997).”
Runhaar et al (op. cit.)
reconnaissent d’ailleurs, à la page 46 de la publication citée, un critère relatif
à la qualité di vie en se posant la question :
“Quelle allocation de l’aide au développement aux divers projets
portera aux bénéfices les plus importants en termes de qualité de vie?”
La question est pertinente. Une autre en est comment on mesure l’amélioration
de la qualité de vie des populations. [Voir l’indicateur du développement
humain dont au tableau 1 du Rapport mondial sur le
développement humain 2007-2008 du PNUD].
Le procès de calcul des coûts et des bénéfices s’occupe de la valeur
monétaire initiale, des frais de gestion, et des résultats (bénéfices
monétaires) attendus. Tous les résultats d’un projet sont calculés et exprimés
en termes monétaires. Pour faire cela on se sert d’habitude d’un calcul basée
sur une valeur actuelle. Il s’agit de
chercher de «faire une
photographie » d’avance des résultats d’un projet pour en pouvoir faire
une comparaison du rendement de l’investissement avec celui des investissements
d’autres projets.
Par contre, comment monétiser l’opération des structures sociales et
financières établies au cours d’un projet de développement intégré qui sont à
la base d’une amélioration généralisée de la qualité de vie des
populations ? Surtout comment le fait-on au cas où elles fonctionnent dans
le cadre d’un système de monnaie locale ? Où se trouvent-ils les éléments
de comparaison ?
Investissements initiaux.
La «valeur actuelle » des investissements représente le moment de
départ pour faire «la photographie » pour le calcul des coûts et des
bénéfices. Tenant toujours compte qu’ils puissent avoir lieu sur une période de
plusieurs années, souvent les investissements sont-ils effectués au cours de
l’année de référence.
Au cas où l’investissement est fait dans une seule année, tous les chiffres
du calcul des coûts et des bénéfices y relatifs sont rapportés à leur valeur au
moment de l’investissement, le moment où on fait la photographie de la
situation. On n’est pas tenu à le changer, que ce soit un investissement
commercial contre intérêts, un investissement en prêt sans intérêts, ou un
investissement en don.
Dans la réalité il y-t-il toutefois une différence importante entre les
formes d’investissement.
La valeur future d’un investissement fait en don ou sans intérêts à
distance de douze mois est la valeur actuelle de l’investissement escomptée
d’un taux d’intérêt commercial retenu «opportun ». Il s’agit du
« prix commercial » de l’investissement. Si par exemple le
montant en question soit financé par banque faut-on tenir compte des intérêts,
d’ailleurs accumulatifs à travers les années. L’avoir utilisé le financement
pour un projet «coûte » de l’argent.
Par exemple, en présence d’un taux d’intérêt constant « r » de 7%, la valeur future
« VF » d’un investissement en don ou sans intérêts à valeur
actuelle «VA » 100 à distance de 12 mois sera 100* (1- 0.07)
soit 93. Il s’agit d’une sorte de
dépréciation du 7%, soit de 7 unités.
VF=VA*(1-r)
La valeur future VF de la valeur
actuelle VA 100 à distance de 24 mois serait 93*(1-0.07) = 86.92 environ
La valeur future VF de la
valeur actuelle VA 100 à distance de 36 mois serait 86.92*(1-0.07) = 81,23 environ.
La valeur future des
investissements en don ou sans intérêts se diminue d’habitude à travers le
temps.
Cette dépréciation peut être en principe ajoutée aux frais du projet pour
les calculs des coûts et les bénéfices. Mais, en général, on ne le fait pas,
car le moment de faire la photographie est celui où l’investissement est
effectué.
Au cas d’investissement contre
intérêts la situation se présente de manière différente. Les intérêts annuels
de 7% ( soit 7 unités sur 100) sont à la charge du projet. Vis à vis le projet,
en absence de remboursement du capital,
le capital net investi restera 100. En fait, le capital variera selon le
taux d’inflation (i). Supposant un taux d’inflation (i) du 3% la valeur future théorique du capital
sera :
VF=VA*(1-i), soit 97.
L’investisseur gagne 7
unités à titre d’intérêts, et de point de vue financier à travers de
l’inflation en perde 3. Son profit net serait de 4 unités.
Toutefois, même ces
considérations ne sont que rarement comprises dans les calculs des coûts et des
bénéfices.
Bénéfices
Pour le calcul des bénéfices
futurs, pour arriver à une valeur actuelle applique-t-on une escompte annuelle
le plus souvent basée sur un taux d’intérêt commercial retenu
«opportun » . En présence d’un taux d’intérêt du 7%, des bénéfices de
100 unités auront une valeur à distance de 12 mois de 93 unités.
VF=VA*(1-r), soit 93.
Des bénéfices de 100 unités
prévus à distance de 24 mois auront une valeur de 93* (1-7%) = 90,21
Des bénéfices de 100 unités
prévus à distance de 36 mois auront une valeur de 90,21* (1-7%) = 84,88
Pour le calcul des bénéfices
futurs, au cas d’investissements en don ou sans intérêts peut-on choisir
éventuellement d’appliquer un taux d’inflation officielle au lieu d’un taux
d’intérêt. En présence d’un taux d’inflation du 3%, des bénéfices de 100 unités
auront une valeur à distance de 12 mois de 97 unités.
VF=VA*(1-i), soit 97.
Des bénéfices de 100 unités
prévus à distance de 24 mois auront une valeur de 97* (1-3%) = 94,09
Des bénéfices de 100 unités prévus
à distance de 36 mois auront une valeur de 94,09* (1-3%) = 91,27
Les prévisions des bénéfices ne
sont pas nécessairement constantes à travers les années. Supposez qu’on prévoit
des bénéfices 0 la première année, 100 la deuxième année, et 200 la troisième
année, la valeur actuelle des bénéfices à un taux d’inflation constant du 3%
est 0 la première année, 97 la deuxième année, et (200*0.97)*0.97, soit 188.18
la troisième année.
Frais de
gestion
Le montant des frais de
gestion, par contre, s’augmentera en principe à travers les années selon le
taux d’inflation À taux d’inflation
constant de 3% les frais actuels de 100 deviendront à distance de 12 mois 100*
1.03 = 103. À distance de 24 mois, 103*1.03 soit 106.09 environ. À distance de 36 mois, 109.27 environ.
Toutefois, même pour les frais
de gestion, le calcul est plus souvent effectué sur la base du même taux
d’escompte qu’on applique aux bénéfices. Ceci porte de manière systématique à
une sous-évaluation des frais et une exagération correspondante en positive des
résultats prévus.
On ne prend pas également
compte de l’impossibilité (éventuellement le manque de volonté) de prévoir le
développement futur des frais des services une fois publics et de nos jours
privatisés. Certains frais de gestion, tels le coût du courant électrique, des
services téléphoniques, des frais postaux, ou des frais de transport ont en
effet subi des changements suite aux rondes de privatisation néolibérale qui
n’étaient pas prévus au moment de faire des calculs des coûts et bénéfices.
Cette optimisme de circonstance a porté elle aussi à une sous-évaluation
importante des frais et une exagération correspondante en positive des
résultats prévus.
La période des
calculs.
La période des calculs peut
arriver à 20 ans au cas des investissements à long terme telles les routes ou
les digues. Souvent est-elle de 10-15 ans.
À cause de la répétition des
calculs à travers plusieurs années, le choix des taux d’intérêt et des taux
d’inflation à appliquer est important. Le choix d’un taux d’intérêt élevé porte
à des valeurs réduites vers la fine de la série de calculs.
Discussion.
Les analyses traditionnelles
des coûts et des bénéfices se limitent, en général, à la monétisation des
épargnes sur les dépenses actuelles dans la zone du projet. Beaucoup des
structures nouvelles introduites au cours de l’exécution du projet à bénéfice
de la qualité de vie des habitants n’y sont pas prises en considération. Par
exemple, on peut construire 288 écoles dans la zone du projet, aux localités où
il n’y en a pas encore, les fournir en principe avec des enseignants pas encore
disponibles, et en un coup achever dans la zone du projet plusieurs des
objectifs/cibles du Millénaire. Toutefois telles activités ne comptent pas
comme des bénéfices dans une analyse traditionnelle des coûts et des bénéfices.
La formation de 288 centres infirmiers, celle de 41 points de distribution
médicaments, ou celle de 41 ambulances à bicyclettes ou la plantation de
centaines de milliers d’arbres à fruit, a noix, et à feuilles comestibles dans
le cadre des initiatives à faveur de la sécurité alimentaire comptent elles
aussi à zéro.
Également, l’introduction du
système local d’échange n’est pas sujette à évaluation comme bénéfice, car il
n’existe pas actuellement. Les énormes bénéfices apportées par l’opération du
système SEL-LETS local, parmi lesquelles 10.000
occupations nouvelles ou bien de la formation de nombreux clubs de sport,
centres d’activités culturelles, et la création d’activités productives etc.,
ont une valeur à zéro pour une analyse traditionnelle des coûts et des
bénéfices car les occupations, les clubs, et les activités n’existent pas
encore.
Le résultat de l’application
des analyses traditionnelles coûts -bénéfices est que ce que n’existe pas
encore ne peut pas être monétisé. On ne tient aucun compte de la fourniture
dans le cadre du projet de nombreuses nouvelles structures qui puissent
permettre l’achèvement de la plupart des objectifs/cibles/indicateurs du
Millénaire et garantir une bonne qualité de vie pour tous.
Conclusion
On peut arriver à la conclusion
que les pratiques relatives aux calculs des coûts et des bénéfices ont produit
de manière systématique des résultats notoirement faux, même aux limites de la fraude,
à bénéfice d’opérateurs moins scrupuleux qui augmentent les revenus futurs et
réduisent les frais au fin de montrer un bon rapport monétaire entre les
bénéfices et l’investissement. La décision de faire et/ou de financer un projet
de développement a besoin d’une évaluation éthique que tienne compte des
influences sociales et de l’amélioration de la qualité de vie apportées aux
populations au lieu d’une monétisation basée sur des éléments spéculatifs.
Analyse des
coûts et des bénéfices.
La table complète des
matières.
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